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Nicolas Durival (1713-1795)

Fils d'un valet de garde-robe du duc Léopold, Jacques Luton, Nicolas Durival met sa carrière au service du nouveau souverain, Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, dès l'arrivée de celui-ci dans le duché de Lorraine. Homme de confiance du duc, il exerce différentes fonctions au plus près de la cour de Lunéville avant de devenir lieutenant général de police de la ville de Nancy. Il mène parallèlement une activité de statisticien et d'historien, son Mémoire sur la Lorraine et le Barrois étant unanimement salué dès sa parution.


Durival et sa famille

Nicolas Durival
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Nicolas Luton Durival est le fils aîné de Jacques Luton, originaire de Normandie, fils d'un ancien valet de la Maison de Louis XIV et lui-même valet de garde-robe du duc Léopold. Avec son épouse Marie Anne Humblot, il a plusieurs enfants dont trois fils qui ont une carrière dans l'administration lorraine et française : Nicolas, Jean-Baptiste et Claude. Retraité à Saint-Aubin-sur-Aire (Meuse), Jacques Luton en devient le maire en 1729. Toujours en fonction en 1737, il fait partie de ceux qui viennent accueillir le nouveau duc à son arrivée. En 1760, Jacques Luton est anobli, pour lui et ses descendants, et prend le nom de Durival.

Nicolas naît le 12 novembre 1713 à Commercy, comme il en informe Dom Calmet dans une lettre. Il apprend le rudiment avec le curé de Saint-Aubin- : ses aptitudes l'autorisent à envisager une bonne carrière dans l'administration.

Il ne fonde pas de famille, mais son journal montre une grande proximité avec ses jeunes frères. Propriétaire d'une ferme à Heillecourt, où il passe volontiers du temps, c'est là qu'il se retire, sans beaucoup de moyens financiers, à l'issue de sa carrière civile en 1769. Privé de sa pension municipale en 1791 afin qu'il en porte la demande "auprès de la patrie" (soit le département de la Meurthe), il ne recouvre une somme de 3 000 livres, à peine suffisante pour le faire vivre, que peu de temps avant sa mort le 21 décembre 1795. Justin Favier y voit certainement l'oeuvre de l'abbé Grégoire, éminent conventionnel vosgien. Paralysé des deux jambes par la goutte, il n'en continuait pas moins à tenir son journal régulièrement.


Jean-Baptiste Durival

Jean-Baptiste (4 juillet 1725-14 février 1810) est le second fils de Jacques Luton. Il entame une carrière administrative à la suite de son frère. La mort de Stanislas le fait accéder à de hautes fonctions dans l'administration du ministère des Affaires étrangères français, alors gouverné par le duc de Choiseul : premier secrétaire du département des Affaires étrangères, ambassadeur en Hollande.

Il est marié à Louise Elisabeth Dufresne, amie d'enfance des jeunes La Galaizière, proche de Mme de Graffigny et de la coterie du château de Fléville, mais ils n'ont pas d'enfants.

Membre de l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Nancy, il est un connaisseur de l'art militaire, publiant quelques ouvrages sur le sujet (Détails militaires, 1758 ; Essai sur l'infanterie française, 1760 ; Le Point d'honneur), ce qui lui vaut de participer à l'Encyclopédie méthodique pour cette question.


Claude Durival

Dernier des frères Durival, Claude (1728-1805) suit les traces de ses aînés en succédant à l'un comme secrétaire-greffier des Conseils du roi de Pologne, et à l'autre comme économe séquestre des bénéfices de Lorraine et du Barrois.

Célibataire, il vit avec Nicolas à Heillecourt et se consacre à l'agronomie en publiant des opuscules sur les tarifs des grains (1757), la culture de la vigne (1776) ou les salines de Lorraine.


Carrière de Durival

Au service de La Galaizière et du roi Stanislas

Nicolas Durival commence sa carrière comme secrétaire au service du chancelier français Chaumont de La Galaizière dès l'arrivée de celui-ci en Lorraine en 1737. Il reste par la suite proche de la famille du chancelier et de son fils l'intendant de Lorraine, dont il suit avec intérêt les déplacements. En 1751, il devient greffier en chef du Conseil d'Etat et des Finances du roi de Pologne, ce qui l'introduit dans l'entourage de Stanislas. Il cumule dès lors cette fonction avec d'autres charges : économe séquestre des bénéfices de Lorraine et Barrois (1754-1760 ; chargé d'administrer les biens ecclésiastiques qui n'ont pas d'attributaire), subdélégué de l'intendance de Lorraine (substitut de La Galaizière).


Lieutenant de police de Nancy
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En 1760, il résigne ces charges au profit de la lieutenance générale de police de la ville de Nancy, cet office lui prenant tout son temps. L'achat en est très coûteux : 12 500 livres de Lorraine, auxquelles s'ajoutent 450 livres, 9 sous et 6 deniers de frais divers. Cette fonction va bien au-delà du maintien de l'ordre. Il intervient tout autant dans l'urbanisme municipal : adduction d'eau, pavage et éclairage des rues, travaux, transfert des cimetières hors de la ville..., que dans les fondations charitables - notamment pour les filles repenties -, dans les approvisionnements, l'ordonnancement des nombreuses processions et cérémonies, et tout ce qui, en règle générale, concourt à la paix civile. À ce titre, il participe tout à fait régulièrement aux réunions du conseil municipal et a de nombreuses relations tant avec la Cour souveraine qu'avec celle, plus mondaine, de Lunéville. Il tient aussi des statistiques précises des naissances, mariages et décès de la ville.

C'est en 1769 qu'il demande à être relevé de ses fonctions ; il semblerait que l'administration française lui paraisse à ce moment intenable, à moins que l'âge et la fatigue ne commencent à se faire sentir. L'intendance lui octroie alors une pension de 1 000 livres, des "lettres de vétérance" et le titre de lieutenant de police honoraire, de sorte qu'il exerce encore à titre de conseil dans les années suivantes.


Durival historien

Le Mémoire sur la Lorraine et le Barrois
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Selon les historiens, s'appuyant sur les échanges entre Durival et Dom Calmet, Nicolas Durival considère, en bon administrateur de son temps, qu'il est impossible de gouverner sans la statistique, la géographie, et la connaissance de l'histoire de sa province. C'est pourquoi il fait publier à titre anonyme dès 1748 une Table alphabétique des villes, bourgs etc. de la Lorraine et du Barrois (182 p.), qui connaît deux rééditions et enrichissements en 1749 et 1766. Les pages sont divisées en deux colonnes : le toponyme et la juridiction dont la localité relève. Les mises à jour tiennent compte de l'actualisation des limites des bailliages.

Son Mémoire sur la Lorraine et le Barrois, de plus grande ampleur (604 p.), paraît en 1753 chez Henri Thomas à Nancy. Il est aussitôt salué par le Journal de Trévoux, et le géographe Expilly entame avec Durival des échanges épistolaires visant à mieux intégrer la géographie et l'histoire de la Lorraine à celles de la France. Il se divise en trois parties : une introduction générale sur la géographie, les habitants, les monnaies, les divisions administratives, les rivières et ruisseaux... une étude de chaque ville, quartier et principaux monuments, divisée par bailliage une table alphabétique actualisée comprenant des renseignements historiques et archéologiques


La Description de la Lorraine et du Barrois
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Cet ouvrage est publié en 4 volumes chez Leclerc à Nancy entre 1779 et 1783, le quatrième volume composé d'ajouts et d'annexes étant mis gracieusement à disposition des possesseurs des trois premiers chez le libraire Leseure.

Dans l'avertissement, Durival fait remonter la genèse de son projet à 1760 et se place dans la droite ligne des géographes et historiens des siècles précédents, rendant notamment hommage à Thierry Alix et à Mercator.

Le tome I est paru précédemment en 1774 sous une forme abrégée. Il comprend une histoire des duchés depuis le Xe siècle, allant jusqu'à la fin du règne de Stanislas (l'introduction du Mémoire se terminait à la fin du règne de Léopold), une géographie extrêmement complète et une carte dépliante. Durival y mentionne les rivières, lacs et autres eaux courantes et stagnantes, les plantes cultivées, les vignes, des statistiques de température, les ressources naturelles (bois, pêche, fossiles, mines), les habitants et leur notoriété, les revenus, les poids et mesures en vigueur, ainsi que les renseignements administratifs (militaire, postes, juridictions, foires et marchés) attendus de ce type de publication.

Le tome II développe considérablement la description des bailliages. Il consacre ainsi 52 pages à la ville de Nancy, passant en revue les paroisses, les faubourgs, les fontaines comme les hommes illustres et les ressources naturelles.

Le tome III est une table alphabétique des toponymes avec des données administratives, historiques, météorologiques ou archéologiques notables.


L'académicien

Durival est reçu le 15 avril 1760 à l'Académie royale des Sciences, lettres et arts de Nancy sur demande pressante du fondateur de celle-ci, le roi Stanislas. Sur l'insistance du roi, il en devient le sous-directeur deux ans plus tard. Son Journal le montre assidu aux séances ordinaires, soucieux de rendre compte des débats et de l'usage de la bibliothèque associée.

Il ne se jugeait pas digne d'être un académicien, se présentant comme un administrateur autodidacte plutôt qu'un érudit. Cependant, ses échanges avec des personnalités scientifiques de l'époque (Dom Calmet, Expilly) montre qu'il est tenu par eux en haute estime et qu'il a toutes les capacités intellectuelles pour argumenter et apporter avec méthode des réponses à des questions d'histoire, de géographie et d'économie.

Il présente régulièrement devant l'Académie royale des mémoires et rapports témoignant de son activité scientifique : 1763 : un mémoire sur la clôture des héritages (biens immobiliers), le vain pâturage et le parcours (circulation du bétail) en Lorraine 1765 : une bibliographie des ouvrages imprimés et manuscrits sur la province de Lorraine, conduite à la demande de l'intendant pour abonder la Bibliothèque historique de la France du père Lelong 1779 : l'Académie le charge de terminer les travaux du père Leslie sur l'histoire du duché de Lorraine. Il ne semble pas cependant que cette demande ait été suivie d'effet car, les papiers du père Leslie lui étant réclamés quelques années plus tard par Mory d'Elvange, Durival assure qu'il ne les a jamais eus en sa possession. 1790 : Sonnini commence à publier, dans le Journal du département de la Meurthe, diverses études d'économie rurale, portant principalement sur la construction et l'entretien des routes lorraines, présentées devant l'Académie. Un deuxième recueil sera publié, toujours par Sonnini, dans la Bibliothèque économique de 1809.


Le Journal
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Tenu de 1737 au 18 décembre 1795, soit 3 jours avant la mort de son rédacteur, le Journal de Nicolas Durival n'est pas tant un écrit intime qu'un outil de suivi des événements urbains et politiques sous le règne de Stanislas, et de préparation des différentes publications projetées par l'auteur.

Il se compose de 14 volumes in-quarto, écrits à la main. Ceux-ci sont truffés parfois de copies de lettres et de billets, voire d'originaux, mais aussi de billets imprimés, de programmes, prospectus, invitations, ou coupures de presse. Il n'a certainement pas été tenu au jour le jour, du moins au début où les notations sont très sommaires. Il est possible par exemple que la relation de l'agonie et de la mort de Stanislas a pu être reconstruite quelque temps (quelques jours ?) après l'événement à partir de notes ou d'un brouillon de journal qui n'a pas été conservé, ou en tous cas reprise par la suite pour y ajouter des mentions d'horaire précis.

Des lacunes existent pour les années 1767-1771, 1781 et 1788-1791, soit que Durival n'ait pas tenu de relation de ces périodes, soit qu'elle ait été perdu. De 1792 à 1795, il se borne à effectuer des notations météorologiques quasi-quotidiennes sans se préoccuper vraiment de noter les événements en cours.


Durival et la bibliothèque de Nancy

La bibliothèque

De son vivant, et sans doute à cause de ses fonctions à l'Académie royale, Durival avait fait don à la bibliothèque de plusieurs ouvrages dont Justin Favier avait pu retrouver la trace grâce à un ex-libris manuscrit portant "ex dono D[omi]ni Durival aedil[is] praes[idio]", quand un ex-libris gravé sur cuivre par Jean-Charles François (1717-1769) est attesté (base des ex-libris, D1884). Or, après la mort sans héritier de son frère Jean-Baptiste, la bibliothèque et les papiers de Durival ont été vendus au poids sur la place du Marché à Nancy, de sorte que nombre de ses livres se sont perdus. C'est peut-être à l'issue de cette vente que le Journal est entré à la bibliothèque de Nancy au XIXe siècle, par le biais du célèbre collectionneur lotharingiste Beaupré.