Histoire de la Bibliothèque royale puis publique en quelques dates, de sa fondation en 1750 par Stanislas à la Révolution française.
Par cet édit, Stanislas établit une bibliothèque dans sa bonne ville de Nancy.
L’Objectif : favoriser la diffusion des idées nouvelles, le progrès des sciences et des arts.
Le budget annuel : une rente de 3 000 livres de France.
Le personnel : un bibliothécaire, secrétaire perpétuel de la Société royale des sciences et belles-lettres, un sous-bibliothécaire, un Suisse dont la mission est d’assurer la propreté des locaux et d’entretenir en hiver le feu. Plus tard, un copiste et un relieur seront employés à la pièce.
L’emplacement : Palais ducal, salle des Cerfs « tenant à l'Intendance », c'est-à-dire dans l'actuel Musée lorrain, dans la salle aujourd’hui consacrée aux expositions temporaires. Simultanément, une assemblée de savants, qui ne porte pas encore le nom d’académie, est encouragée à poursuivre les mêmes objectifs. Un prix littéraire et un prix scientifique sont créés à cette fin. Le jury comprend le bibliothécaire et quatre censeurs.
Inauguration de la bibliothèque après une messe solennelle en la Primatiale.
Séance publique de l’Académie : Dheguerty, l’un des censeurs honoraires déclare :
« Messieurs, l’Europe entière applaudit à l’établissement qui nous rassemble... Une Bibliothèque nombreuse et choisie, ouverte au public, est un secours bien puissant pour hâter les progrès des Sciences ; mais ce secours suffirait-il ? Non, sans doute, s’il n’était confié à des mains habiles, à des hommes éclairés... C’est ce concours heureux d’une Bibliothèque publique et d’une Société savante ; ce sont ces lumières réunies des morts et des vivants ; c’est ce concert admirable d’exemples et de leçons qu’a sagement imaginé le grand Prince qui nous gouverne. Par là son projet est rempli dans toute son étendue ».
Le premier Catalogue des livres de la bibliothèque royale de Nancy paraît à Nancy, chez J. J. Haener. Il recense 1.070 notices.
Un édit ordonne le déménagement des « armoires, tableaux, livres, manuscrits, vitrines et machines tant de physique que de mathématique » « au centre et dans l'hôtel même de ladite ville » [de Nancy].
Stanislas a rédigé deux testaments. Aux termes de celui qui nous est parvenu, il décide « Tous mes livres de Lunéville seront remis à ma bibliothèque publique à Nancy, luy en faisant don ». 390 livres de la bibliothèque personnelle du souverain rejoindront les collections publiques.
Le second Catalogue des livres de la bibliothèque royale de Nancy, fondée par le Roi de Pologne, Duc de Lorraine et de Bar parait à Nancy, chez la Veuve et Claude Leseure, imprimeur ord. du roi. Il compte 2.011 références.
Louis XV signe les lettres patentes organisant la translation des quatre facultés de Pont-à-Mousson à Nancy dès la rentrée suivante. L’histoire de l’Université et celle de la bibliothèque sont intimement liées.
L’emplacement : ancienne place de Grève, vaste esplanade vide entre la Vieille Ville et la Ville Neuve, entre la rue de la Poissonnerie (aujourd'hui Gambetta) et la rue Saint-Stanislas (débaptisée en 1793 et laïcisée en rue Stanislas en 1839)
Les architectes : Charles-Louis de Montluisant, inspecteur des Bâtiments et Usines du Domaine du Roi de 1763 à 1780, puis après sa mort Claude Mique.
Le bâtiment : un hôtel de facture classique à deux étages, composé d'un corps principal et de deux ailes en équerre.
Les moyens : c’est la vente des biens des Jésuites qui doit financer le chantier, mais ces ressources se révèlent insuffisantes ; on revoit les esquisses et les devis à la baisse et une contribution extraordinaire de 4 000 livres est imposée aux lorrains pendant 10 ans.
Transport par bateau des boiseries de l’ancienne bibliothèque des Jésuites de Pont-à-Mousson vers Nancy. Elles ont été sculptées par le frère Paulus. C’est l’un des détails de la construction qui retient l’attention : le bâtiment est construit aux mesures de ces boiseries qui, aujourd’hui encore, en font tout le cachet.
Deux pavillons bas, qu’on repère sur d’anciennes gravures, et un mur de clôture orné d’une élégante porte cochère fermaient la cour intérieure et conféraient l’aspect d’un hôtel particulier à ce bâtiment.
En 1877 les édicules de l’entrée furent rasés et une grille remplaça le porche.
Le bâtiment n’est pas encore achevé quand les universitaires s’y installent. Le rez-de-chaussée est praticable et abrite les salles de cours. Dans l'aile gauche, les médecins pratiquent les dissections ; les juristes s’installent dans l'aile droite tandis que théologiens et chirurgiens se disputent l’espace vacant. Ils finissent par s’entendre mais ces derniers devront ranger leurs mannequins dans les armoires le samedi soir pour ne pas outrager la vue des séminaristes.
Dans la partie centrale, une vaste salle des Actes, la Chancellerie, décorée des portraits des anciens professeurs de droit et de médecine, est peu utilisée. Recteur et professeurs lorgnent des logements de fonction, tandis que les avocats du parlement de Nancy aspirent à un local pour leurs conférences. Certains locaux sont loués comme entrepôts à des marchands, pour financer les travaux et le recteur brigue les caves pour y entreposer le vin vendangé sur ses terres ; il souhaite en outre que de petites salles soient aménagées en cellules de prison pour étudiants chahuteurs, querelleurs ou fautifs.
Les universités sont supprimées, les sociétés savantes interdites. Ce chapitre de l’histoire s’inscrit bien après la mort de Stanislas mais on peut le regarder comme l’évènement majeur qui vient clore la partie
Décret plaçant les livres provenant des bibliothèques des couvents « sous la main de la Nation ». Les bibliothèques des nobles émigrés sont également ciblées : en tout 75.000 volumes sont saisis dans 36 maisons religieuses (Bénédictins de Saint-Firmin de Flavigny, Capucins de Saint-Nicolas, Chartreux de Bosserville, les Minimes de Bonsecours, Tiercelins ou Dominicains de Nancy par exemple) et chez 112 familles nobles.
La grande salle du rez-de-chaussée devient le dépôt littéraire du district.
La bibliothèque compte 3 319 titres soit 9 000 volumes, compte non tenu des saisies révolutionnaires. L'abbé Georges-Antoine Marquet, sous-bibliothécaire depuis 1763 et prêtre jureur puis rétractant, assisté de l'avocat et bibliophile Claude Fachot, sont nommés par le Directoire du district de Nancy « commissaires-bibliographes » : ils dressent des inventaires des saisies, quelquefois sur des cartes à jouer, puis sur des registres.
Le bâtiment de la Visitation (l'actuel Lycée Henri Poincaré) accueil les livres en double mais, destructions et pillages s’en mêlent : les parchemins servent de gargousses aux canons ! Certains livres seront restitués aux propriétaires remis en liberté ou à leurs héritiers, d’autres offerts en prix aux élèves de l'École centrale de la Meurthe, d’autres encore forment des bibliothèques particulières pour la Préfecture, la Municipalité, la Cour d'Appel, l'Évêché, le Grand Séminaire et les sœurs de la Doctrine Chrétienne communément appelées “ vatelottes ”.
À la fin, 15 000 titres sont conservés. Ils viendront enrichir la collection existante. Ces livres et manuscrits, qui aujourd’hui encore sont la propriété de l’État, justifient le statut de « Bibliothèque municipale Classée » de la bibliothèque de Nancy.
Le 12 Messidor An II les livres de la bibliothèque royale sont déménagés de l’Hôtel de Ville pour faire place aux bureaux de l'État-civil.
La bibliothèque est réservée aux seuls enseignants de l’École centrale.
Le 6 Frimaire de l’an VIII, la bibliothèque entrebâille ses portes aux lecteurs. L’appellation de « bibliothèque publique » prend alors tout son sens.